Rouler tranquillement sur les rives d’une des dernières rivière sauvage d’Europe de l’ouest, sous l’oeil des vaches, au bord de côteaux plantés de vignes ou en surprenant, au fond des gorges, la silhouette d’un saumon dans l’eau claire : voici la promesse de cette nouvelle véloroute de la Via Allier, qui propose, au fil de l’eau, une traversée originale de l’Auvergne, particulièrement riche en nature paisible et en patrimoine.
La Via Allier est la grande nouveauté des parcours à vélo à partager en famille, entre amis ou à découvrir en solo en Auvergne-Rhône-Alpes.
Elle traverse les départements de l’Allier, du Puy-de-Dôme avant de se diriger vers la Haute-Loire. La rivière Allier est bien sûr le fil conducteur de cet itinéraire, même s’il s’écarte assez souvent de ses rives proprement dites pour avant tout nous faire découvrir les petits coins de campagnes du bourbonnais, ses forêts et ses bocages préservées, les jolis villages du vignoble de Saint-Pourçain-sur-Sioule. La première étape nous mène ainsi tout en douceur vers Moulins, où il convient de poser les vélos pour la soirée et de prendre son temps pour découvrir le centre, qui justifie pleinement son label de “Ville d’Art et d’Histoire”. Il conserve de très nombreux monuments et maisons anciennes, autour de sa cathédrale N.D d’Annonciation (de style gothique flamboyant. Il faut rentrer à l’intérieur pour admirer le triptyque de la Vierge Noire, oeuvre de Jean Hey, le Maître de Moulins) et de l’église du Sacré-Cœur (néo-gothique du XIXe). En déambulant dans les rues, on découvre ainsi de nombreuses maisons médiévales à colombages, ainsi que des hôtels particuliers du XVIIIe et XXe siècle, comme la maison Mantin, qui se visite. Place Jacquemart, la tour horloge et son carillon d’automates, vestige des anciennes fortifications, se dresse face au bel hôtel de ville. Sur l’autre place importante de la ville, la place de l’Allier, on peut admirer la diversité des architectures plus récentes, du XIXe et XXe siècle, présentes à Moulins : le dôme des Nouvelles Galeries, typique du style “Beaux-Arts”, la halle du marché de style Baltard, le Sacré-Coeur Néo-gothique ou encore le Grand-Café de style 1900. On repart du centre de Moulins en traversant le pont de Régemorte avant de retrouver bien vite la campagne et la forêt des prieurés Moladier. On traverse ce bel espace boisé, sous les chênes, les hêtres et les charmes, typique du bocage bourbonnais. Les châteaux et les manoirs défilent devant nos coups de pédales et animent aussi ce paysage parfaitement bucolique. Le profil est bosselé : le vignoble de Saint-Pourçain-sur-Sioule s’annonce. Cette ville, fondée au VIe siècle autour d’un monastère sur les bords de la Sioule, est réputée depuis le moyen-âge pour ses vins. Le petit vignoble de 600 hectares (réparti sur 19 communes environnantes) qui subsiste est encore très connu pour la qualité de ses vins rouges, blancs et rosés, protégés par une appellation AOC. On peut conseiller, outre la dégustation, une visite au musée de la vigne et du terroir établi dans la maison du Bailli (XVIe), pour découvrir cette richesse. Il fait bon se détendre à Saint-Pourçain, qui abrite d’autres trésors dans sa vieille-ville : la tour de l’horloge, vestige de l’enceinte monastique du XVe siècle, domine l’église Saint-Croix, un important édifice qui mêle des styles architecturaux variés, retraçant les différentes phases de sa construction, de l’époque romane jusqu’au néo-gothique XIXe.
Sur les bords du lac d’Allier
Le lendemain, c’est une courte étape qui nous mène en douceur vers Vichy. D’abord par des petites routes bien calmes, jusqu’à Billy et son imposant château fort, puis sur la nouvelle piste cyclable aménagée sur les bords de l’Allier, qui permet d’entrer très sereinement dans Vichy, en profitant pleinement du cadre naturel du lac d’Allier, un plan d’eau créé en 1963, idéal pour la pratique des sports nautiques mais aussi pour la balade, à pied ou sur roulettes. Vichy marque une étape importante et particulièrement intéressante sur cette Via Allier.La ville thermale est reconnue pour la qualité de ses eaux, longtemps considérées comme miraculeuses, dès l’époque gallo-romaine. C’est ainsi le patrimoine lié aux thermes qui est sans doute le plus marquant ici : Vichy reste avant tout une très agréable ville-jardin, avec des parcs aménagés depuis le premier empire, période qui marque le début de l’apogée de l’activité thermale au bord de l’Allier. Le parc Napoléon III, le parc Kennedy, le parc des Célestins, proche de la source, ou bien sûr les rives aménagées de l’Allier forment un ensemble d’espaces verts vraiment très agréable. Les chalets, notamment ceux du boulevard des Etats-Unis, témoignent aussi de cette période faste du XIXe au début XXe. De nombreuses villas, construites dans différents styles architecturaux, de l’art moderne au néo-gothique, en passant par le néo-classique, sont à découvrir au fil des rues et des boulevards bordant les parcs autour des sept sources thermales que compte Vichy. L’opéra et le casino illustrent aussi cette époque dorée. D’autres richesses patrimoniales, plus anciennes, complètent ce très riche panorama : le couvent des Célestins, le Castel Franc, datent ainsi du XVe siècle et le Vieux Vichy abrite des maisons médiévales. Vichy, dont la réputation a été malheureusement ternie par la 2e guerre mondiale, reste une étape très agréable sur les bords de l’Allier qui plonge le visiteur dans l’ambiance des riches heures du thermalisme.
Le lendemain, on retrouve la voie verte, toujours au bord de l’eau pour filer vers Hauterive, également un lieu de thermalisme, et l’on arrive ainsi en face de Saint-Yorre, petite ville bien connue pour ses eaux minérales gazeuses, qui compte plus de 100 sources à l’intérieur de son territoire. Le parcours reprend ensuite des petites routes à travers le département du Puy-de-Dôme. On roule à travers la Limagne tout en admirant nombre de châteaux et d’églises, bâtis sur des éminences que le tracé frôle, en jouant à cachecache avec la rivière, dont il s’écarte pour mieux y revenir. La pierre ici est blonde, qui avec le vert des feuillages et des herbes, le bleu clair du ciel, donne un ton un peu pastel à notre étape. On déjeune sur l’herbe, les insectes sont nombreux à voleter autour de nous, les oiseaux chantent. La biodiversité a l’air de bien se porter ici. Il ne nous reste plus qu’à nous laisser porter par le fil, un peu tumultueux et encore émaillé de quelques buttes, de la rivière, pour pédaler jusqu’à Pont-du-Château.
De la Limagne aux volcans
Le lendemain, la plaine de la Limagne cède la place au pays des volcans. L’aménagement de la voie verte le long de la rivière Allier entre Pont-du-Château et Authezat est en cours et sera terminé fin 2022. Actuellement, 18 km sont en service. Ainsi, depuis Pont-du-Château, on suit la véloroute jusqu’à Busseol puis l’on visite les villages de charme qui jalonnent la balade : Vic-le-Comte, Yronde et Buron, Saint-Babel et enfin Issoire, qui nous offre une belle étape patrimoniale. Issoire est célèbre pour son église, l’ancienne abbatiale St-Austremoine, qui est l’une des plus importantes églises romanes d’Auvergne. Elle date du XIIe siècle et ses chapiteaux illustrant la vie du Christ sont très intéressants. La tour de l’horloge est également emblématique.
La journée suivante est également très riche : les villages de caractère incitent aux petits détours, entre Orsonnette et Nonette. Auzon aussi, dont les maisons, bâties sur un piton rocheux et dominées par l’église romane Saint-Laurent, conservent un charme et un intérêt architectural certains. On passe ensuite devant les ruines du château de Rilhac pour filer droit vers Brioude. Là encore, l’étape sera riche en découverte tant la ville possède un patrimoine intéressant, autour de la puissante basilique Saint-Julien et de la maison de Mandrin. La sortie de Brioude nous fait bientôt entrer dans les paysages les plus spectaculaires de cette Via Allier : les gorges de la rivière, sauvages et escarpées, se dessinent bientôt. Bien sûr, le parcours se fait de plus en plus bosselé, avec quelques pentes bien marquées, mais la beauté du décor vaut vraiment l’effort : les points d’intérêts majeurs se succèdent à bon rythme. On passe ainsi à Saint-Ilpize, célèbre pour son château perché sur un promontoire rocheux, dominant la rivière, puis un peu au large de Blassac, qui possède aussi son église perchée sur un promontoire volcanique, avant d’atteindre, sur la boucle de l’Allier suivante, les villages de Lavoûte-Chilhac et Saint-Cirgues, qui se succèdent de chaque côté du méandre.On pose ici les vélos, tant les lieux sont emblématiques des gorges de l’Allier. Lavoûte, ses belles maisons anciennes construites directement au-dessus de la rivière, son site sur la boucle et son pont dont l’une des arches reste intacte depuis le XIe siècle, malgré les crues qui ont marqué l’endroit, et son prieuré majoritairement du XVe siècle, reste le clou du spectacle.
Le spectacle des gorges
On ne roule que quelques hectomètres de plus pour atteindre Saint-Cirgues. Au passage, on remarque la forme particulière de la flèche de l’église de Saint-Cirgues, en obus. Un peu plus loin, l’impressionnante falaise du Blot nous fait face, puis le profil s’adoucit pour atteindre Langeac. On profite ici d’une étape paisible, au bord de l’eau, où camping, jardins et promenades sont aménagés. On peut aussi admirer l’église du prieuré Saint Gal, avec son clocher caractéristique de forme octogonale. L’émotion et l’intensité ne retombent pas le lendemain tant les gorge offrent un spectacle permanent. On admire ainsi la pittoresque chapelle Sainte-Marie-des-Chazes. Issue d’un ancien prieuré du XIIe siècle, tout au bord de l’eau et surmontée de falaises basaltiques. Elle est une des plus belles «cartes postales » de ce voyage. Encore 3 kilomètres au profil plutôt descendant et nous voici à Prades. Ce village, posé au bord de la rivière, présente un cachet certain. Les petites rues, l’église surmontée d’un rocher basaltique, la baignade et le pont sur l’Allier au pied de la spectaculaire roche de Servières (92 mètres de haut !) donnent à cet endroit une forte identité. C’est par les premiers kilomètres d’un col du tour de France (les panneaux à chaque kilomètre vous l’indiquent), que l’on quitte Prades : le col de Peyra Taillade. On n’en grimpe ici qu’un peu plus de 3 kilomètres sur les 9 que compte l’ascension au total. Juste à l’entame de la montée, à la sortie de Prades, on passe donc sous cette impressionnante roche de Servière, qui domine l’Allier. L’endroit est particulièrement beau, emblématique du caractère sauvage de la rivière et de ses gorges. Sur plusieurs virages, on peut admirer des vues sur le val d’Allier et ses gorges. Enfin, on atteint Saint-Privat-d’Allier, qui peut être une bonne idée pour la dernière nuit sur le parcours. Ce bourg est la première étape importante sur le chemin de Compostelle pour les marcheurs venus du Puy-en-Velay, à la sortie du Velay et dominant les gorges de l’Allier. On découvre ici l’ambiance unique de ce sentier populaire : Saint-Privat est bien pourvu en cafés, restaurants ou hôtels ! Le patrimoine de Saint-Privat, ainsi que son site naturel, sont aussi intéressants : une belle église romane et des orgues basaltiques sculptées sur une falaise de lave. Le lendemain, on enfourche encore les vélos pour les derniers tours de roue, dominant encore la vallée de l’Allier, jusqu’au sud de la Haute-Loire et Langogne, territoire de l’ancien Gévaudan, pour conclure ce voyage au bord d’une rivière étonnante de variété et de richesses naturelles et humaines.
Auteur : Sylvain Bazin
La Via Allier en chiffres
  • 435 km de Nevers à Langogne
  • 5 départements Nièvre, Cher, Allier, Puy-de-Dôme, Haute-Loire
  • 18 étapes de 26 km en moyenne/jour
  • 6 plus beaux villages de France : Apremont, Montpeyroux, Usson, Blesle, Lavaudieu, Pradelles
  • 5 villes ou pays d’art et d’histoire : Moulins, Riom, Billom, Issoire, Les Gorges de l’Allier
  • 2 vignobles Saint-Pourçain-sur-Sioule, Côtes d’Auvergne